La colère du client
Épicerie cherche commis. Aucune expérience nécessaire. Connaissance sommaire des aliments requise. Compétences recherchées: aimer travailler avec les clients, manipuler les fruits mous et défaire des boîtes de carton vides. Aptitude à discuter de météo; un atout.
Appelons cela la face cachée du commis. C'est l'étudiante en droit derrière la fille qui coupe ton jambon ou le musicien qui déload la van à -15 degrés Celcius. Je suis aussi une de ces personnes tout à fait normales. J'ignore s'il existe une différence nutritionnelle entre le chou kale vert et le chou kale noir. Je suis incapable de vous dire quel légume consommer pour palier une carence en magnésium. Bref, je ne suis pas nutritionniste ni expert en quoi que ce soit d'autre.
L'économiste en moi
L'autre jour, une cliente me jase que telle marque d'hummus est mauvaise. Je lui dis que c'est une question de goût: rien à faire. «Mon chum est végétarien et lui aussi le trouve pas bon». J'essaie de me glisser hors du péril et lui recommande simplement de ne pas l'acheter ou d'en prendre un autre. Non, scandale! Selon elle, avant, notre enseigne vendait un «excellent» hummus, mais nous ne l'avons plus depuis des mois. J'essaie de lui dire qu'on ne garde pas les produits qui se vendent mal, c'est la logique du marché.
Le jeudi d'après, un monsieur arrive essoufflé et réclame un produit qu'il est incapable lui-même de nommer correctement. On cherche partout, la chose demeure introuvable. Il l'a vu dans une recette à la télévision, donc il en a besoin, donc on doit l'avoir, forcément! C'est sa logique. Sauf qu'on ne l'a pas. Il me demande si l'épicerie peut lui rembourser son aller-retour en bus, soit 6,50$. Après tout, il a voyagé uniquement pour acheter ça chez nous. Puisqu'on ne peut lui fournir, il devrait avoir un rabais, un ticket de bus gratuit. Logique non? J'ai beau lui dire de téléphoner avant de se déplacer, la colère persiste.
Un produit non-disponible; ça arrive. J'ai beau flatter dans le sens du kiwi, sortir mes meilleurs skills de Justin Trudeau pour m'échapper aux colères du client, rien n'y fait. Chaque semaine j'y ai droit. Non, je ne connais pas la différence entre nos 27 marques d'huiles d'olives. Il y en a des chères et des pas chères, pigé?
Le client fâché ne me rend pas plus savant et ne m'intéresse pas non plus à un problème. Ce qui m'intéresse par contre, c'est pourquoi le client boude les tomates et les poivrons jaunes. Ils se vendent au même prix et ont le même goût. Pourtant, chaque semaine je jette des légumes jaunes plus que les autres. S'il y a un chromato-psychologue dans la salle, prière de m'écrire dans les commentaires. Merci d'avance.
Louis le commis
Articles reliés
Articles récents
Débloquez toutes les fonctionnalités et profitez de Glouton sans publicité. Essayez gratuitement pour 14 jours, aucune carte de crédit n'est requise.